Organisé par l'AFISCEP Ce jeudi 17 février, notre collaboratrice Martine DELRÉE a présenté TRI-angles au colloque organisé par l'AFISCEP. Voici le compte-rendu de son intervention.Naissance du ProjetLe projet Tri-angles est né à l’initiative de Sonja Develter. Infirmière pédiatrique, Sonja n’en est pas à son premier projet. En 1992 elle est l’initiatrice de la création et du fonctionnement de l’équipe Interface Pédiatrique (Cliniques Universitaires Saint-Luc). Sonja a travaillé comme Infirmière de liaison en Soins Palliatifs Pédiatriques au sein de cette équipe jusqu’en 2018. En 2008, Sonja a également initié la création d’une première maison de répit pour enfants gravement malades à Bruxelles, la Villa Indigo - qui a ouvert ses portes en 2010 à Evere. Elle y a travaillé pendant 3 ans, à la fois comme Directrice, Coordinatrice et Infirmière. Sa formation en Pédagogie a également permis à Sonja d'enseigner aux professionnels de la Santé à l'ISEI, aux Cliniques Universitaires Saint-Luc et à l’école des infirmières à Namur. Au cours de sa carrière d’infirmière pédiatrique de liaison elle a accompagné des enfants gravement malades et leurs proches en milieu hospitalier, institutionnel et à domicile. Elle a souvent été témoin de la fragilité émotionnelle des familles confrontées au traitement et au suivi prolongé de leur enfant malade. S’il y a des périodes d’espoir et de répit, l’enfant malade et sa famille sont souvent confrontés à des moments de doutes, d’angoisse et d’épuisement. La maladie grave d’un enfant ou le décès d’un enfant sont des épreuves bien difficiles, intenses émotionnellement… intenses à tous les niveaux … au niveau physique car il faut tenir quand on enchaîne des nuits agitées, des rdv à l’hôpital prévus ou en urgence… intenses quand la vie professionnelle nous rappelle au milieu des traitements, des opérations,… Ce sont toutes les sphères de la vie qui sont touchées dans pareilles épreuves. Et ce sont tous les membres de la famille, tous les proches qui sont affectés, bouleversés… Notre MissionQUAND UN ENFANT EST MALADE AU SEIN D’UNE FAMILLE, C’EST TOUTE LA FAMILLE QUI SOUFFRE - tous les membres de la famille ont besoin d’être écoutés, épaulés et accompagnés. Nous souhaitons rappeler ici combien ces parents confrontés à l’indicible font à chaque fois de leur mieux… ils donnent tout, tout ce qu’ils peuvent… à chacun de leur enfant… Dans ce contexte, TRI-Angles souhaite seconder ces parents et offrir à leurs enfants un espace et un temps où sœurs et frères qui vivent une telle épreuve peuvent être accueillis dans ce qu’ils traversent. TRI-angles souhaite prendre soin du vécu de cette fratrie. En effet, témoins directs de la détresse de l’enfant malade et des parents, les FRÈRES & SOEURS se replient parfois sur eux-mêmes. Bien souvent, ils subissent cette tourmente sans pouvoir l’accueillir, la vivre et la partager. Mais l’espace pour que cet accueil et ce partage puissent se faire existe-t-il réellement ? La situation des fratries est en général peu prise en compte dans notre société, toute l’attention est sur l’enfant malade (cfr toutes les initiatives de collecte de fonds pour les enfants malades). La confrontation au décès lorsqu’il survient, reste bien souvent un sujet tabou et éveille un sentiment d’échec. Les jeunes frères et sœurs se sentent seuls, différents de leurs copains de classe, c’est important pour leur construction de pouvoir s’exprimer, se sentir écoutés, dialoguer, partager avec des paires. Sonja Develter a mis en place l’équipe de Tri-angles pour offrir cet espace d’accueil et de partage, pour alléger un tant soit peu cette souffrance des fratries. Notre EquipeSonja DEVELTER, qui coordonne les activités, est présente pour accompagner les enfants lors des journées de rencontre. Lorsque une famille est mise en contact avec Tri-angles via un professionnel ou autre, Sonja peut également aller les rencontrer à domicile pour expliquer aux parents et aux enfants l’offre de tri-angles. Des psychologues sont également disponibles, à l’écoute de tout ce qui se partage tout au long de la journée :
Notre équipe bénéficie également de l'aide précieuse de notre bénévole, Isabelle VAN ELDER. Isabelle a toujours travaillé dans le monde de l’enfance (travailleuse médico-sociale à l’ONE pendant plus de 20 ans, accompagnatrice dans une École de devoirs à Namur, surveillante-éducatrice à l’école de Mont-Godinne, éducatrice dans différentes maisons d’enfants placés par le juge). Retraitée depuis peu, Isabelle a retrouvé du temps libre qu'elle souhaite offrir aujourd'hui, à des enfants qui en ont besoin. Pour ma part, je suis accompagnatrice des journées Tri-angles. Je suis à la croisée du jeu, de la créativité et du soin. Pendant mes études, j’ai été attirée par les arts du spectacles (danse, la musique, le jeu), après l’obtention de mon diplôme de Docteur en Médecine (UCL-1988), je me suis tournée vers le monde artistique, j’ai participé à des spectacles. J’ai enseigné la danse aux enfants. Pendant 20 ans, en compagnie de Paolo Doss, j’ai été, en clown, rendre visite aux enfants hospitalisés dans les différents services de pédiatrie des Cliniques Universitaires Saint Luc. De 2010 à 2020, j’ai rejoint l’équipe de la Villa Indigo pour accompagner les enfants gravement malades et/ou porteurs de handicap. Pendant leurs séjours de répit, mon rôle était de les aider au quotidien, pour jouer, rêver, créer. Depuis 2017, avec les outils du Jahara®, thérapie aquatique, j’accompagne dans l’eau toutes personnes valides ou porteuses de handicap pour des moments de détente profonde, de ressourcement. Au sein de l’équipe Tri-angles règnent une complicité, une complémentarité et une confiance totales. Chacune apporte ses compétences spécifiques professionnelles et personnelles, aussi bien dans des moments partagés en groupe que dans des moments d’échanges individuels avec un enfant. Les échanges sont sincères et enrichissent tous les participants. Nous faisons également appel à d’autres professionnels pour enrichir les moyens d’expression des enfants :
Le LieuSonja a trouvé un lieu idéal, le Centre de Jour Escalpade situé à Louvain-La-Neuve. Ce lieu est spacieux et convivial. Et nous pouvons profiter de la belle cour de récréation de l’école primaire Escalpade où les enfants peuvent jouer en toute sécurité. Déroulement d'une Journée Vers 9h00 - installation des lieux
Sonja arrive avec des caisses à trésors. Sur des tables se déploient des jeux, des livres en rapport avec les émotions, les vécus, les 5 sens, et aussi du matériel pour dessiner. Une table est réservée aux fardes individuelles des enfants. Chaque enfant a une farde où il peut mettre des photos de sa famille, des dessins et Sonja complète avec des photos prises lors des journées Tri-angles. Ces fardes sont un précieux support pour les enfants lorsqu’ils veulent partager quelque chose avec la psychologue ou les autres adultes présents ou les autres enfants. J’installe également le nécessaire pour une activité en groupe le matin (cuisine, peinture, musique…). Nathalie et/ou Emmanuelle, aménage une pièce pour recevoir les enfants qui ont besoin de partager en tête à tête leurs vécus, leurs émotions. Et bien sûr c’est également un temps d’échange entre nous pour nous harmoniser pour la journée 10h00 : arrivée des enfants Les enfants prennent possession des lieux, timidement ou franchement. Les parents peuvent échanger quelques minutes avec une psychologue présente s’ils souhaitent partager quelque chose par rapport à leurs enfants, leur vécu. Ce moment d’écoute est important, il nous permet d’avoir un éclairage supplémentaire sur le vécu de l’enfant. Pour les parents c’est également indispensable de se sentir écoutés et pris en compte, d’échanger pour connaitre l’équipe de TRI-angles et laisser leurs enfants en toute confiance vivre une journée d’échanges et de « liberté », libres d’être eux-mêmes sans jugement, de s’exprimer au travers des différentes activités proposées. IMPORTANT : Tri-angles ne se veut pas un lieu de thérapie (parfois les enfants ont déjà un suivi psychologique) mais un lieu de parole qui est plus formel lors d’un échange individuel avec l’une des psychologues ou plus informel dans l’espace groupe. Parfois il y a une forte demande des parents concernant la « parole » or l’enfant veut ou peut s’exprimer autrement via le jeu, la créativité. Quand tout le monde est là, nous faisons un petit rituel pour se dire bonjour. Sous forme de jeu un petit mot pour donner son humeur du jour, les adultes aussi ! La psychologue rappelle le cadre de la journée :
C’est aussi le moment de présenter un nouvel arrivant, ou un enfant a peut-être envie de partager d’emblée quelque chose qu’il a vécu, que ce soit en lien ou non avec la maladie ou le décès. En général nous proposons, 2 groupes d’enfants la matinée : soit selon l’âge (le plus souvent), soit selon l’intérêt pour l’activité proposée. Nous ne faisons pas 2 groupes différents pour les fratries d’un enfant malade et les fratries d’un enfant décédé, nous avons constaté la même pratique à Montréal (Centre hospitalier St-Justine). D’emblée nous avons eu dans nos groupes des enfants qui vivent les deux situations, un frère déjà décédé et un frère gravement malade. Nous ne voulons pas de tabou ni sur la maladie, ni sur la mort. La/les psychologues participent aux activités de la journée lorsqu’elles ne sont pas en échange individuel avec un enfant. Cela leur permet de suivre les réactions des enfants tout au long de la journée. Comme chacun est unique et traverse les épreuves de manière singulière, TRI-Angles rassemblent des professionnels d’horizon différents pour diversifier les accompagnements… Chaque enfant pourra librement participer à ou aux activités proposées… Il existe ainsi différents temps dans une journée chez TRI-angles: // Certains choisiront un temps pour parler, échanger avec une psychologue dans l’intimité d’une rencontre à 2… car on sait que le partage de ce que l’on vit peut adoucir ce que l’on traverse… Ils pourront rencontrer une psychologue et peut-être avant tout une adulte disponible, entièrement disponible pour elle, pour lui… une adulte qui peut tout entendre… Car il est peut être difficile pour un parent qui ne peut pas se permettre de craquer, et qui dès lors met sa tristesse à distance, d’accueillir les pleures de son enfant… Un psychologue qui peut l’aider à accéder à ses sentiments par rapport à ce qu’il se passe, lui dire que c’est naturel d’éprouver de la tristesse, de la colère, de la culpabilité, de l’angoisse. Ce sera l’occasion pour l’enfant selon son âge, sa maturité émotionnelle d’apprendre à reconnaître dans son corps les émotions, les identifier, les verbaliser,… et ça ce sera un apprentissage pour toute sa vie… Il pourra être soutenu, rassuré dans ce torrent émotionnel... Quand on parle de torrent émotionnel, on peut penser aux :
Il y a aussi :
Ces échanges avec une psychologue pourront encore être l’occasion :
Et on peut faire l’hypothèse qu’un enfant qui aura eu un lieu pour dire, pour se dire traversera peut-être un peu moins inconfortablement cette épreuve et que peut-être nous travaillons au niveau de la prévention de comportements… On peut voir parfois des régressions dans la fratrie (pipi au lit, moins d’autonomie), refus d’aller à l’école, crise de colère, cauchemars, repli sur soi, agressivité… Ou encore, on sait qu’exprimer ses émotions peut parfois prévenir les bobos ou les maladies… ça évite que le corps ne prenne le relais des émotions qu’on ne dit pas, qu’on étouffe… // Si pour certains ce sera un temps avec un psychologue, pour d’autres, ce sera le temps de partager avec les autres enfants au travers d’une activité proposée. En tant qu’animatrice, je propose aux enfants des activités simples qu’ils peuvent s’approprier et où ils peuvent laisser parler leur créativité, leur humeur, s’exprimer devant les autres et écouter les autres. Il est très important pour moi de leur partager des activités que j’aime et qui parle un peu de moi aussi dans un échange sincère. Par exemple, l’activité cuisine est très appropriée pour les échanges : les textures, les odeurs, soit rappellent des souvenirs, soit permettent des découvertes. Les ingrédients disponibles permettent des choix (on aime ou on n’aime pas), la manipulation permet de s’exprimer corporellement (exemple pétrissage du pain, casser un œuf, …). On peut choisir de le faire pour soi ou pour le partager, l’offrir. Les biscuits, le pain… pourront être ramenés à la maison et faire le lien avec la famille. Tout en faisant les enfants parlent, échangent des situations vécues. D’autres activités sont en lien avec les saisons pour utiliser ce que la nature nous offre. D’autres encore partent d’un livre, par ex les petits riens qui font du bien …, ou l’arbre de vie… Une autre fois nous échangeons en musique : instruments disponibles, choix, jeu, écoute, sans vraiment savoir jouer un morceau, comment arriver à s’écouter pour jouer ensemble ; Vers 12h00 Le temps est venu de partager le repas tous ensemble, prétexte aussi à beaucoup d’échanges Vers 13h30 Nous reprenons en général ensemble une activité un peu « extraordinaire » Visite de la ferme, spectacle de magicien, visite de nos amis les chiens, les lapins C’est le temps de rêver, d’oublier… le temps d’une pause… Un moment peut-être pour redevenir un enfant et non plus « le frère ou la sœur de » qui doit être parfois plus grand, plus responsable, plus discret… pour ne pas déranger maman et papa qui portent déjà tellement… Ils pourront être dans l’amusement, ils auront un lieu et un espace où il est permis d’être dans la joie car la vie continue…même si on vit cette épreuve à la maison. 15h30 Nous sommes au goûter l’occasion de fêter les anniversaires du mois : Les enfants (et les adultes) sont célébrés lors des journées pour leur anniversaire, être la vedette un jour, prendre la place numéro 1, être le centre de l’attention. 16h00 Les parents viennent rechercher leurs enfants, curieux bien entendus de savoir comment s’est déroulé la journée. Ils auront quelques échos, pas plus nous respectons le contrat de confidentialité avec les enfants, il n’y a que ce que eux veulent bien dire qui sera rapporté Bien sûr dans cette journée, outre les temps d’animations qui favorisent l’expression des émotions, et les temps d’échange avec une psy… il existe des temps officieux et pourtant très thérapeutiques où les enfants prennent mutuellement soin les uns des autres. Des temps où ils jouent entre eux. Des temps où on peut les entendre partager entre eux ce qu’ils vivent, des temps où ils parlent de leur frère ou de leur sœur qui est malade ou qu’ils ont perdu. Des temps où ils partagent leurs ressources pour réconforter l’autre qui vit une épreuve qui ressemble un peu à la leur… il y a les temps qui n’appartiennent qu’aux enfants entre eux, Parfois pour un enfant le choix sera de ne pas venir ce samedi à TRI-angles… Car chacun a son propre rythme et quand on accompagne les autres, on sait que si ce n’est pas le moment, ce n’est pas le moment ! Dans ce cas, juste signifier qu’on est là prêt à l’accueillir quand ce sera le moment… Et juste donner à l’autre cette information pourra déjà être rassurant… Il existe un lieu où un jour, quand il le voudra, on prendra soin de lui si il a besoin… Si vous pensez à des familles, des fratries qui pourraient avoir besoin de nos services, contactez-nous ! info@tri-angles.net / +32 (0)475 25 38 89 // Martine DELRÉE Accompagnatrice à la croisée de la créativité et du soin Les commentaires sont fermés.
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